Inauguration de la Place Croix St-Marceau
12 mai 2001

La Croix Saint-Marceau est enfin réinstallée après plus de deux ans de travaux et une nouvelle place est créée. Mais quelle est donc l'origine de cette croix placée à la rencontre des rues principales du quartier ? En effet, située à l'épicentre du quartier, elle est placée d'une part, à l'extrémité de la rue Saint-Marceau, voie principale jusqu'au 18° siècle, d'autre part , à l'extrémité de l'avenue Dauphine depuis la construction du pont Royal en 1760.
Une simple croix de pierre existe déjà au XVIII° siècle comme le montre un dessin d'Adrien de Bizemont en 1819 mais avait déjà été renversée sous la Révolution. Remontée puis déplacée en 1805 pour l'aménagement de l'avenue de la Mouillère, elle fut abattue de nouveau par les eaux lors de la première inondation centennale de 1846.
Contrairement à nombre de croix des chemins érigées en souvenir de mission, cette croix fut construite à l'initiative d'un habitant du quartier. En effet, le registre des délibérations du conseil de fabrique de la paroisse de Saint-Marceau du 11 avril 1847 explique les dates du 21 octobre 1846 et 18 novembre 1846 gravée sur le chapiteau et source de confusion comme le rappelle Vincent Pontais en 1993.

"Par une circonstance fortuite, résultat de l'inondation du 21 octobre dernier, la croix Saint-Marceau, sise à l'angle de la rue Dauphine et du Faubourg a été abattue par les eaux, et par les soins généreux de Monsieur GORRAND, propriétaire à Saint-Marceau (rue de la Mouillère) et membre du bureau de bienfaisance en mémoire à la perte douloureuse de sa fille Madame FOUGEU décédée le 18 novembre a été relevée et inaugurée une nouvelle croix qui le 28 mars a été bénie, en commémoration des rameaux, d'autre part le tout au compte de Monsieur GORRAND".

L'année 1846 est marquée par la première crue centennale. La cote de la Loire atteint 6,78 m. Elle atteindra 7,10 m en 1856 et 6,92 m en 1866. Loire et Loiret se rejoignent et l'endroit où nous sommes actuellement était recouvert par plus de deux mètres d'eau. D'ailleurs, l'église de Saint-Marceau, dont nous venons de célébrer le centenaire de la consécration a été construite en fonction de la hauteur de cette crue. Suite à l'inondation, la reine Marie-Amélie, duchesse d'Orléans et épouse de Louis-Philippe adresse en octobre 1846, un mandat de 100 francs pour la réparation de l'église aujourd'hui disparue.
La rupture des levées destinées à protéger les riches terres du val entraîne le débordement des eaux des 20 et 21 octobre 1846 à hauteur de Sandillon et touche le quartier Saint-Marceau de plein fouet.

Isidore FOULON, décédé en 1926, domestique à la Bergère à Saint-Pryvé Saint-Mesmin, raconte dans son document manuscrit de 1875 recopianr d'ailleurs l'almanach du département du Loiret pour l'année 1847 de Pagnère et Danicourt, cette fameuse inondation.

"A Sandillon, la levée avait crevé sur une longueur de 400 mètres. Cette eau était venue 'butter' contre le remblai du chemin de fer de Vierzon. On s'explique alors comment tous les murs de la route d'Orléans à Olivet dans la distance de 4 kilomètres, étaient renversés, et comment toutes les populations surprises au milieu de la nuit n'avaient rien pu sauver. Le mercredi 21 Octobre, du côté des Montées, l'inondation avait une hauteur de 17 pieds, plusieurs maisons disparaissaient et les bateaux passaient au niveau des cheminées. On ne sait comment les habitants se sont sauvés, dans d'autres maisons les greniers étaient envahis jusqu'aux lucarnes et jusqu'aux combles. Des familles entières étaient perchées sur les poutres supérieures attendant à tout moment la mort qui montait avec l'eau. Lorsque les bateaux sont venus les délivrer, il a fallu casser la toiture à coups de gaffes pour leur trouver un passage. On a trouvé, à cheval sur un toit, 6 inondés, père, mère, enfants, dont le dernier avait à peine cinq ans. Ces malheureux avaient déjà de l'eau jusqu'au jarret et leurs forces étaient à bout lorsqu'on est venu les recueillir dans une barque. Presque partout, c'étaient les scènes de déluge."

D'autres inondations interviennent, notamment le 23 octobre 1872, avec la cote de la Loire à 5,24 m et la dernière grande crue en octobre 1907. La rue de la Cossonnière est inondée. Lors de la crue de 1866, avec l'arrivée récente du chemin de fer sur la ligne de Vierzon, une barque avec trois mariniers était à la disposition des voyageurs du Chemin de Fer d'Orléans pour les transporter à Olivet. 111 personnes furent ainsi transférées.
Et nous assistons à un paradoxe, les trois crues centennales, avec leur apport d'alluvions, enrichissent les terres du val dont profitent ceux qui travaillent la terre.

La croix placée devant l'Octroi aujourd'hui disparue connut un siècle paisible jusqu'au 12 décembre 1962, quand une entreprise de transport la renversa malencontreusement et la colonne fut brisée. En 1964, un léger déplacement au sud intervient dans le cadre de l'aménagement du carrefour (ouverture de la rue Eugène Turbat) et la croix est retirée.

Le 18 mai 1978, le Comité de Quartier, à l'initiative de son président, François Margottin, demande à la municipalité la réinstallation de la croix dont la restauration est nécessaire. Le Comité marque d'ailleurs son accord pour en supporter les frais. La croix est restaurée par les élèves du Lycée Gaudier-Breska de Saint-Jean-de-Braye et réinstallée par l'entreprise de maçonnerie Roussillat du quartier Saint-Marceau. Elle est inaugurée le 6 mai 1979. La date est mentionnée sur le socle.

Dans le cadre des travaux du tramway, elle est installée, une seule journée, le 8 mai 2000, au milieu de l'avenue Dauphine, en face de la place Domrémy, le défilé la contournant.
D'une hauteur de 3,50 m environ, la colonne de pierre est couronnée d'un chapiteau de style corinthien avec deux dates et surmontée d'une simple croix de fer. Ses branches représentent des trèfles évidés, motif inspiré par la plante représentant la paysannerie à l'époque féodale. Ses trois feuilles personnifient également la Sainte Trinité ainsi que la Sagesse. Les deux dates mentionnées sont, d'une part, la date de la plus forte crue de 1846, d'autre part la date du décès de Madame FOUGEU. Elle avait 21 ans.

Voici donc, de nouveau, installée la Croix Saint-Marceau, chère au coeur des habitants du quartier et aussi appelée Croix des Mariniers suivant la coutume locale.



Michel LELAIT - 17 juin 2001

[ Retour ]